Ardenne est un songe (L')

Dans mon village il y a des champs, des marais, des bosquets, une forêt, une rivière, des étangs, des chevreuils, des sangliers, des écureuils.

Il y a une route, une église, un pont, des maisons. Et des noms de rues aux parfums de France ancienne : rue des Eaux-bonnes, chemin des Demoiselles, rue de la Goulette. 

Dans les maisons, il y a un couple, un enfant, un chat, un chien, quelques rêves.

Dans les rêves il y a de tout et de rien et dans ce tout et ce rien, il y a une table, un cendrier, une pipe, du Semois, et beaucoup de livres.

Dans les livres, il y a des champs, des étangs, des bosquets, une forêt, une route, une église, un couple, un pont des maisons.

Notre verte Ardenne n’est pas le paradis que d’aucuns imaginent. Pour le touriste de passage, ses vastes étendues forestières, ses rivières d’eau vive, ses villages aux noms étranges, My, Ny, Sy, Aye et parfois coquins, Porcheresse, Sainlez, Mettet, Sinsin, Hannut… voilà autant de charmes que l’Ardennais du cru ne remarque pas. En effet ici comme ailleurs, dans nos vertes vallées ou à Paris encombré et pollué, l’homme est pareil, ni meilleur ni pire.

Je parcours à pied et à vélo presque chaque jour, la forêt d’Anlier où j’habite, splendide, majestueuse, et chaque jour je croise à tel endroit mon renard roux nuancé de gris sur la chabraque ; ailleurs, un groupe de faons et de brocards jusqu’à ce je voie mon renard écrasé par un des chauffards communs à notre région, 4x 4 pollueurs ou grosses cylindrées orgueilleuses, ôte-toi de là que je m’y mette ! Et que j’aperçoive devant ma roue, une patte de faon allongé d’un os, les viandards sont passés par là durant la nuit, avec leurs phares !

Et as-tu entendu ce qui se passe depuis un an dans la région de Bastogne, le coin de mon enfance ? Trente-trois maisons, fermes ou hangars incendiés ! La maréchaussée est sur les dents, les édiles itou et les gens ont la frousse. Qui est ce pyromane ? La rumeur circule. Un étranger ? L’hypothèse habituelle. Ou une personne du cru ?

Dans ce nouvel ouvrage, Guy Denis nous entraîne une nouvelle fois sur les chemins de son Ardenne, celle du sud, l’Ardenne méridionale avec ses bals de villages, ses histoires de vieilles familles, ses récits de chasse ou encore ses échos d’une dernière foire aux bestiaux. 

Mais cette fois, l’auteur ardennais tente de cerner son pays, ce qui fait son caractère et celui de ceux qui l’habitent, anciens et nouveaux. Habile conteur, Guy Denis a vite fait de nous embarquer dans son nouveau périple, mais il le dit haut et clair : « L’Ardenne n’est plus celle que je décrivais il y a trente ans. »